L'Iliade et l'Oldyssée, d' Homère,
représentent les fondements de la littérature européenne.
L'historien Dominique Venner ne s'y est pas trompé, lui qui fait si souvent référence au célèbre poète dans ses livres et articles.
Tout le monde connaît les dieux, les héros et les mythes que l'on
trouve dans les deux recueils de chants d' Homère. Pourtant, ces
oeuvres ne sont pas tellement abordées dans le cadre scolaire (je
parle de l'enseignement secondaire général)... Je n'ai quant à moi
jamais eu l'occasion de les étudier. Mes professeurs ont fait
d'autres choix. Dommage. Je le regrette aujourd'hui, mais mieux vaut
tard que jamais, et je me décide donc à combler cette lacune.
Après m'être procuré l'édition GF de ces deux
indispensables livres, je me plonge avidement dans le premier :
L'Iliade... Et là : déception ! Page après page, je
trouve cela difficile à lire, un peu ennuyeux, et je me perds dans
tous les noms de personnages et de peuples, je trouve fastidieux le renvoi aux notes de bas de page. De plus, cette édition présente un texte condensé, peu aéré, des marges réduites... Visuellement pas très agréable.
Je persiste, mais rien n'y fait :
le livre me fait l'effet d'un somnifère ! Quelques jours après,
j'abandonne... J'abandonne cette édition... Mais je n'abandonne pas
l'idée de connaître ces oeuvres. Et je choisis alors des ouvrages
commentés. Et là, mon intérêt s'éveille. À mon humble avis,
c'est ce qu'il faut pour rendre accessible les oeuvres de Homère au
grand public (dont je suis). Ces ouvrages commentés et illustrés sont pléthoriques. Difficile de faire un choix. J'ai trouvé celui de Paul Demont
(aux éditions du Chêne) très accessible et agréable à
feuilleter, avec une alternance de passages de l'oeuvre (chants),
d'explications, et d'illustrations. La présentation des principaux
personnages de l'Iliade (héros troyens ; héros achéens) et de
L'Odyssée, à la fin du livre s'avère fort utile.
Voici une partie de l'introduction du
livre de Paul Demont, qui donne le cadre de l'Iliade et l'Odyssée.
La première de ces épopées,
l'Iliade, raconte environ deux mois de la dernière année de la
guerre de Troie, cité d'Asie Mineure aussi appelée Ilion (d'où le
titre de l'épopée). Pendant dix ans, les Achéens, que le poète
nomme aussi Danaens ou Argiens (mais jamais Grecs), affrontent les
Troyens et leurs alliés. Mais, comme l'annonce l'invocation
initiale, le poète se concentre sur un seul événement, la colère
d'Achille et ses conséquences immédiates, et il termine son oeuvre
quand celles-ci (la mort de nombreux guerriers, en particulier de son
ami Patrocle et de son adversaire Hector) sont épuisées. Il suppose
cependant connues la trame générale de l'histoire et son issue, la
prise de Troie par les Achéens, que les Anciens dataient de 1218 ou
de 1184 avant notre ère.
Voici cette trame générale. Achille
est l'un des nombreux héros qui se sont unis, sous les ordres du roi
Agamemnon, fils d' Atrée (d'où son appellation d' « Atride »),
pour venger l'enlèvement de la belle Hélène par le prince
Pâris-Alexandre, fils du roi de Troie, Priam. Ils en avaient fait le
serment dès le moment du mariage d'Hélène et de Ménélas, roi de
Sparte, le frère d'Agamemnon : si jamais on tentait de rompre
cette union, à laquelle ils avaient aspiré, tous partiraient en
guerre contre l'agresseur. Or, bien loin de Sparte, sur le mont Ida,
en Asie mineure, le prince Pâris avait eu à trancher un concours de
beauté entre les trois principales déesses de l'Olympe, Héra,
l'épouse de Zeus, le roi des dieux, Athéna, une vierge, fille de
Zeus, et Aphrodite, autre fille de Zeus et déesse de l'Amour. Son
jugement fut qu'Aphrodite était la plus belle, parce que la déesse
lui avait promis l'amour de la plus belle femme mortelle, Hélène.
Aussi Pâris n'eut-il aucune peine à enlever Hélène dans son
palais de Sparte et à l'emmener jusqu'en Asie Mineure. Nous
connaissons tous ces événements par des mythographes et par des
adaptations théâtrales ; ils faisaient l'objet d'autres
épopées perdues, à l'intérieur de ce qu'on appelle le « cycle
troyen ».
L'Iliade proprement dite est avant tout
l'épopée d'Achile. Dans l'armée achéenne, Achille, fils d'une
déesse puissante, Thétis, et du mortel Pélée (d'où son
appellation de « Péléide ») est le héros le plus
redoutable et les plus vaillant. Sans lui, les Achéens ne peuvent
tenir tête aux offensives troyennes. Or une catastrophe s'abat sur
l'armée achéenne, la peste, parce qu'Agamemnon a refusé de rendre
sa captive, fille d'un prêtre d'Apollon, contre rançon. Averti par
un devin, il consent finalement à relâcher la fille, mais à
condition qu'Achille lui remette sa propre captive, la belle Briséis.
Achille, devant ce qu'il considère comme un affront insupportable,
décide de quitter le combat. Sa mère Thétis obtient de Zeus qu'il
venge le Péléide en empêchant les Achéens de remporter la
victoire. Le plan de Zeus consiste d'abord à donner de faux espoirs
à Agamemnon. Les exploits des héros se succèdent, sans Achille,
mais, malgré quelques péripéties, les Troyens s'approchent des
fortifications puis des navires achéens, jusqu'à y mettre le feux.
Alors, dans un premier mouvement de solidarité, malgré l'offense
subie, Achille autorise son ami Patrocle à revêtir ses propres
armes à lui, qui, à elles seules, vont susciter la terreur parmi
les Troyens. Mais Patrocle outrepasse les consignes qu'Achille lui a
données : il est reconnu et tué par Hector, autre fils de
Priam, principal défenseur de Troie. Achille, fou de douleur et
hanté par la volonté de venger Patrocle, décide alors de reprendre
lui-même le combat, avec de nouvelles armes tout exprès fabriquées
pour lui par le dieu forgeron, Héphaestos, et cela, bien qu'il sache
que, s'il tue Hector, sa mort est proche. Il fait un grand massacre
de Troyens, puis affronte et tue Hector, dont il outrage le cadavre.
L'Iliade se termine par les funérailles grandioses qu'Achille fait à
Patrocle, puis par la remise du corps d'Hector, finalement concédée
par Achille, à son vieux père Priam, qui le fait à son tour
honorer à Troie.
La suite de l'histoire n'est pas dans
l'Iliade : ni la mort d'Achille (tué à la suite d'une blessure
au talon par une flèche), ni la ruse du cheval de Troie, inventée
par Ulysse, ni la prise et le sac de la ville. Néanmoins, la mort
d'Achille est un horizon très souvent évoqué, en particulier par
le héros lui-même, et par sa mère Thétis :
Ah ! Misérable et malheureuse
mère que je suis,
D'avoir donné le jour à un fils
brave et sans reproche,
Le plus grand des héros ! Il
a grandit tel un scion ;
Je l'ai nourri, comme une vigne aux
pentes d'un coteau,
Puis je l'ai envoyé, avec ses
fines nefs, se battre
Contre les hommes d'Ilion. Il n'en
reviendra pas.
[Chant XVIII,v. 54-59]
Ce « scion », ce jeune
rameau, sera coupé en pleine force, Thétis le sait, Achille le sait
aussi. Et quand le prologue de l'Iliade annonce, comme conséquence
de la colère d'Achille, les maux des Achéens et la mort de tant
d'âmes valeureuses / De héros, chacun sait que ce triomphe de
la mort implique la mort du divin Achille lui-même. Le souci de
l'honneur suppose d'accepter, malgré tout, cette mort qui fait
horreur. Car si la mort n'est pas l'anéantissement, les âmes des
morts ne mènent aux Enfers qu'une sorte de demi-vie sans plaisir. De
plus, la mort au combat et les outrages au cadavre conduisent souvent
à la défiguration, et il arrive que les corps servent de pâture
aux chien / Et aux oiseaux sans nombre. En revanche, quand de
magnifiques funérailles apportent, selon l'expression consacrée
encore de nos jours, un dernier hommage au mort, et que s'ajoute,
éternellement, la gloire d'être chanté dans les épopées, la mort
devient presque belle. Et c'est pourquoi l'attente de la mort, le
choix de la mort, le récit de la mort peuvent charmer les auditeurs
de l'Iliade.
Hélène sur les remparts de Troie, Gustave Moreau (1826-1898). Avec son esthétisme proche du symbolisme, le peintre suggère le mystère terrible de la beauté d'Hélène.