« Voyage avec un âne
dans les Cévennes » est le récit de voyage que Stevenson
entreprit au cours de l'automne 1878, parcourant près de 200 km à
pied entre Le Monastier et Saint-Jean-du-Gard (près d'Alès), en
compagnie de son ânesse, Modestine.
Stevenson emprunte les
chemins de traverse pour tenter de trouver un dérivatif à la
tristesse qui l'a envahi après le départ de Fanny, la femme aimée.
Entre le 22 septembre et le 4 octobre 1878, en compagnie de
Modestine, l'ânesse achetée au départ, il fuit les routes
fréquentées, trop directes et trop rapides. La lenteur du trajet
lui convient, elle lui permet de s'incorporer aux lieux et de
restituer les tonalités changeantes de l'automne dans les Cévennes.
Dormant sous les étoiles qui avaient éclairé la révolte des
camisards, attiré par la voix lointaine d'une flûte, emporté par
les ombres qui valsaient en mesure à l'appel du vent, se lavant dans
l'eau courante des rivières, amical envers les moines trappistes
comme envers les dissidents protestants, il découvrit la magie des
rencontres, la complicité des paysages, l'ivresse de la liberté.
Trouvant dans une approche sensuelle et poétique de la nature toutes
les raisons de croire en l'amour qui allait changer son existence, il
ramena, de cette marche sur les chemins des bergers, le livre le plus
cordial et le plus confiant en la vie.
Que le lecteur soit assis
dans un confortable fauteuil ou engagé sur le G.R. dans les pas de
Stevenson, ce récit précis et admiratif devant les beautés de la
nature offre un point de vue original et poétique sur les paysages
traversés.
L'auteur
Robert Louis Stevenson est
né en 1850 à Edimbourg (Ecosse). Atteint de tuberculose, il a vite
quitté les brumes écossaises pour le climat plus clément de la
France. En 1878, il décide ainsi de découvrir les Cévennes à pas
comptés, en compagnie de l ânesse Modestine
Mon avis sur
"Voyage avec un âne dans les Cévennes"
Adolescent, j'avais
beaucoup aimé « L'île au Trésor », et plus encore
« L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde ». Avant
d'entamer la lecture du Voyage, j'avais donc un a priori favorable,
d'autant plus que les critiques que j'avais pu lire étaient
élogieuses. Peut-être est-ce pour cette raison que je fus assez
déçu par le récit de la randonnée de Stevenson
: beaucoup de passages descriptifs, des rencontres avec des
personnages locaux (villageois, paysans) qui ne brillent guère par
leur fantaisie. Bref, pour moi, ce livre manque de « piment ».
Je ne suis pas le seul à
avoir trouvé qu'il y avait des longueurs. Le père de Robert Louis
Stevenson lui-même fit part de sa critique : « L'autre défaut
est l'abus, à mon avis, des descriptions. S'il y avait eu une grande
diversité de paysage, l'objection n'aurait pas été justifiée,
mais du fait que le paysage est généralement partout le même, je
crois qu'on aurait pu en omettre une bonne partie.» (R.L.
Stevenson, Journal de route en Cévennes)
Néanmoins, ce récit de
voyage, peu volumineux, reste un classique que tous les randonneurs
devraient lire.
D'abord, l'aventure de
Stevenson préfigure l'engouement pour la randonnée pédestre que
l'on constate aujourd'hui. En 1878, le matériel léger pour son sac
à dos n'existait pas, d'où le recours à l'ânesse pour porter sac
de couchage (qu'il se fabriqua lui-même), casseroles, réchaud,
lanternes, ravitaillement... En 1878, il n'y avait pas de terrains de
camping aménagés (selon les circonstances, les nuits étaient
passées à la belle étoile ou à l'auberge).
Ensuite, certains
passages, particulièrement dans la première partie du livre, sont
savoureux. Les déboires de Stevenson avec Modestine, son ânesse qui
l'accompagnera durant tout son périple, sont écrits de façon
humoristique. La traversée du Gévaudan reste dépaysante et
« rafraîchissante ». La seconde partie du livre est
instructive (on y découvre l'histoire des Camisards), mais plus
ennuyeuse.
Enfin, à l'heure où la
vitesse, le zapping, et le plaisir instantané imprègnent notre
société très contrôlée, la lecture du voyage de Stevenson nous
permet de découvrir la vie des campagnes profondes et les paysages
des Cévènes à la fin du 19e « au rythme du marcheur ».
Extraits (Chapitre
« Dans la vallée du Tarn »)
Entre la musarde humeur de
Modestine et la beauté de ce spectacle, notre progression fut lente,
tout cet après-midi. Enfin, observant que le soleil, bien qu' encore
loin de son coucher, commençait déjà d'abandonner l'étroite
vallée du Tarn, je me mis à songer à un endroit où camper.
(...)
La vallée même semblait
plus agréable au matin et bientôt la route descendit au niveau de
la rivière. Alors, à un endroit où se groupaient plusieurs
châtaigniers droits et florissants qui formaient îlot sur une
terrasse, je fis ma toilette dans l'eau du Tarn. Elle était
merveilleusement pure, froide à donner le frisson. Les bulles de
savon s'évanouissaient comme par enchantement dans le courant
rapide, et les roches rondes toutes blanches y offraient un modèle
de propreté. Me baigner dans une des rivières de Dieu en plein air,
me paraît une sorte de cérémonie intime ou l'acte d'un culte demi
païen. Barboter parmi les cuvettes dans une chambre peut sans doute
nettoyer le corps, mais l'imagination n'a point de part à pareil
lessivage.
paysage du Parc National des Cévennes
Les Cévennes en
1878 : points de repères
- Les paysans y étaient
plus nombreux, et la vie dans les petits villages plus présente
qu'aujourd'hui. La vie campagnarde n'était que peu touchée par
l'exode rural (une des conséquences de la révolution industrielle),
qui n'explosera en France qu'à partir du début du XXe siècle.
- La population y était
plus pauvre, plus solidaire, plus méfiante vis-à-vis de l'étranger.
- La religion y occupait
une place plus importante qu'aujourd'hui. Le narrateur, écossais
protestant, sera plus à son aise en pays camisard (pays des
huguenots, protestants français) qu'en compagnie des catholiques de
la région du Puy. Mais il ressentira, malgré les conflits passés,
que les catholiques et les protestants vivent en harmonie.
- Un camisard (du
languedocien camiso, chemise) était un calviniste cévenol
(protestant des Cévennes) en lutte contre l'administration et les
armées de Louis XIV après la révocation (en 1685) de l'édit de
Nantes (1598) qui garantissait la liberté religieuse. Dirigée par
des chefs populaires, la révolte des camisards dura de 1702 à 1710.
Internet
L'association
« Sur le chemin de
R.L. Stevenson » se fixe comme objectif de faire découvrir
la randonné de Stevenson.