jeudi 4 septembre 2014

Les Cahiers Ukrainiens (Igort)

Difficile de classer ce livre. On dirait parfois une Bande Dessinée, parfois un récit historique illustré, parfois un récit de voyage, parfois un recueil des témoignages. En tous cas, on apprend en 176 pages beaucoup de chose sur l'Ukraine, celle d'aujourd'hui et surtout celle du siècle dernier, marqué au fer rouge par les crimes de Staline.
Un récit-témoignage d'Igort qui vaccine contre le communisme. Comme en écho à la vie morne (et sanglante) du régime soviétique, il y a peu de couleurs dans cette BD : les dessins sont en noir et blancs, avec des teintes variant entre l'ocre-rouge et l'ocre-jaune. Le texte est simple et instructif, passionnant et bouleversant. 
Extraits :
Cette famine [1932-1933] fut provoquée à dessein. Les documents l'attestent. Par disposition du père de la patrie Joseph Staline, les frontières de l'Ukraine sont fermées, la circulation entre régions interdite et les réserves de blé confisquées à des millions de paysans.
Les réquisitions sont systématiques, de maison en maison _ oeuvre d'une petite armée (25000 hommes) de la police secrète sous les ordres directs de Molotov.
Les conséquences sont catastrophiques. Entre 1932 et 1933, on compte qu'un quart de la population ukrainienne meurt de privations.
Cette opération est appelée par Moscou Dékoulakisation.

Des 42 millions d'ukrainiens, environ 80% sont des paysans et des petits propriétaires terriens. La grande majorité d'entre eux n'adhère pas volontairement à la collectivisation. C'est pour cette raison qu'on les appelle Koulaks.
Un Koulak est un propriétaire. Mais quiconque avait ne serait-ce que deux vaches était considéré comme tel.
(...) Staline, pour financer ses projets, compte exporter notamment le blé ukrainien.
Mais l'Ukraine est en effervescence. Forte d'une tradition paysanne faite de petits et moyens propriétaires terriens, elle n'adhère pas volontiers à la collectivisation ni n'accepte de renoncer à la propriété privée. Elle a déjà déclaré son indépendance en 1918, et Lénine a envoyé l'Armée rouge pour l'envahir et la reconquérir par la force.
Les paysans, renforcés dans leurs opinions par les intellectuels et les écrivains, voudraient se soustraire à leur destin de colonie soviétique. "Nous la perdons!" dira Staline à son fidèle Kaganovitch, et il organise une réunion immédiate dans son cabinet.Ce qui se dessine est un programme qui, manu militari, soumet l'Ukraine, anéantit ses tendances indépendantistes, en détruit l'identité.

[...]
On vient de l'apprendre : de nombreuses gigantographies de Staline seront affichées dans les places principales de Moscou dès le 1er avril 2010. "Qu'il sourie", recommande les dirigeants du ressuscité parti communiste.




Les Cahiers Ukrainiens, ça commence comme ça :

Les teintes sont toujours dans ce style. Mais d'une page à l'autre, on peut avoir beaucoup de texte et peu d'illustration (style Récit illustré), ou inversement (style BD, comme ici).



Pour en savoir plus et voir d'autre planches : voir ici