Pour mieux nous parler du
pays qu'il aime et où il est né, Henri Vincenot se penche sur son
enfance, quand il vivait chez ses grands-parents, dans un petit
village de Bourgogne. Impossible d'échapper à la magie de ce
conteur merveilleux, et nous le suivons allègrement dans ses
fabuleuses parties de chasse, où il sait si bien recréer le climat
de fête. Mais tout ici devient une fête, qu'il s'agisse de la
visite d'une cousine extraordinaire, nourrice à Paris, ou de ces
interminables repas de fin d'année, au cours desquels le petit
garçon écoute, fasciné, les histoires savoureuses qui se racontent
et qui lui serviront plus tard de tremplin pour ses récits.
On apprendra en lisant La
Billebaude que c'est au cours d'une partie de chasse que le jeune
Henri, perdu dans une forêt bourguignonne, découvre un hameau en
ruine dont la restauration deviendra le but de sa vie.
Extrait de La billebaude :
Denis Cornu abattait
quotidiennement ses trois stères moulés à quatre-vingts ans. Il
disait ça en tisonnant son brasier pour y déposer sa marmite sur un
lit de braise rouge. Il avait toujours à la portée de sa main ses
fourchettes et cuillères à long manche, sa grande poêle et sa
cafetière magique, ses casseroles à rallonge, ses portemanteaux
pliants, ses étagères escamotables, sa meule à pédales, sa
couchette à bascule, sa serrure à secret et son xylophone
mystérieux, qu'il appelait son « téléphone », et tout
cet étonnant bric-à-brac dont il tirait un confort inattendu. En
mâchant sa couenne de lard, il m'expliqua que j'avais été malade à
Paris, c'était normal car là-bas, « je ne touchais plus la
terre ».
- Chaque fois que tu
marches dans les villes, hein ! Disait-il, tu marches sur du
goudron, sur du bitume, sur du ciment, jamais sur la terre !
Jamais sur l'herbe ! Alors plus rien ne passe entre la terre et
toi. Tu ne reçois plus rien d'elle, tu dépéris, t'attrapes tous
les malandres qui passent car sans elle, c'est fini! Sans elle
l'houme ce n'ast ren ! (L'Homme ce n'est rien)