mercredi 1 mai 2013

Voyage avec un âne dans les Cévennes (R.L. Stevenson)

« Voyage avec un âne dans les Cévennes » est le récit de voyage que Stevenson entreprit au cours de l'automne 1878, parcourant près de 200 km à pied entre Le Monastier et Saint-Jean-du-Gard (près d'Alès), en compagnie de son ânesse, Modestine.

Stevenson emprunte les chemins de traverse pour tenter de trouver un dérivatif à la tristesse qui l'a envahi après le départ de Fanny, la femme aimée. Entre le 22 septembre et le 4 octobre 1878, en compagnie de Modestine, l'ânesse achetée au départ, il fuit les routes fréquentées, trop directes et trop rapides. La lenteur du trajet lui convient, elle lui permet de s'incorporer aux lieux et de restituer les tonalités changeantes de l'automne dans les Cévennes. Dormant sous les étoiles qui avaient éclairé la révolte des camisards, attiré par la voix lointaine d'une flûte, emporté par les ombres qui valsaient en mesure à l'appel du vent, se lavant dans l'eau courante des rivières, amical envers les moines trappistes comme envers les dissidents protestants, il découvrit la magie des rencontres, la complicité des paysages, l'ivresse de la liberté. Trouvant dans une approche sensuelle et poétique de la nature toutes les raisons de croire en l'amour qui allait changer son existence, il ramena, de cette marche sur les chemins des bergers, le livre le plus cordial et le plus confiant en la vie.
Que le lecteur soit assis dans un confortable fauteuil ou engagé sur le G.R. dans les pas de Stevenson, ce récit précis et admiratif devant les beautés de la nature offre un point de vue original et poétique sur les paysages traversés. 


  
L'auteur
Robert Louis Stevenson est né en 1850 à Edimbourg (Ecosse). Atteint de tuberculose, il a vite quitté les brumes écossaises pour le climat plus clément de la France. En 1878, il décide ainsi de découvrir les Cévennes à pas comptés, en compagnie de l ânesse Modestine

Mon avis sur "Voyage avec un âne dans les Cévennes"
Adolescent, j'avais beaucoup aimé « L'île au Trésor », et plus encore « L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde ». Avant d'entamer la lecture du Voyage, j'avais donc un a priori favorable, d'autant plus que les critiques que j'avais pu lire étaient élogieuses. Peut-être est-ce pour cette raison que je fus assez déçu par le récit de la randonnée de Stevenson : beaucoup de passages descriptifs, des rencontres avec des personnages locaux (villageois, paysans) qui ne brillent guère par leur fantaisie. Bref, pour moi, ce livre manque de « piment ».
Je ne suis pas le seul à avoir trouvé qu'il y avait des longueurs. Le père de Robert Louis Stevenson lui-même fit part de sa critique : « L'autre défaut est l'abus, à mon avis, des descriptions. S'il y avait eu une grande diversité de paysage, l'objection n'aurait pas été justifiée, mais du fait que le paysage est généralement partout le même, je crois qu'on aurait pu en omettre une bonne partie.» (R.L. Stevenson, Journal de route en Cévennes)
Néanmoins, ce récit de voyage, peu volumineux, reste un classique que tous les randonneurs devraient lire.
D'abord, l'aventure de Stevenson préfigure l'engouement pour la randonnée pédestre que l'on constate aujourd'hui. En 1878, le matériel léger pour son sac à dos n'existait pas, d'où le recours à l'ânesse pour porter sac de couchage (qu'il se fabriqua lui-même), casseroles, réchaud, lanternes, ravitaillement... En 1878, il n'y avait pas de terrains de camping aménagés (selon les circonstances, les nuits étaient passées à la belle étoile ou à l'auberge).
Ensuite, certains passages, particulièrement dans la première partie du livre, sont savoureux. Les déboires de Stevenson avec Modestine, son ânesse qui l'accompagnera durant tout son périple, sont écrits de façon humoristique. La traversée du Gévaudan reste dépaysante et « rafraîchissante ». La seconde partie du livre est instructive (on y découvre l'histoire des Camisards), mais plus ennuyeuse.
Enfin, à l'heure où la vitesse, le zapping, et le plaisir instantané imprègnent notre société très contrôlée, la lecture du voyage de Stevenson nous permet de découvrir la vie des campagnes profondes et les paysages des Cévènes à la fin du 19e « au rythme du marcheur ».

Extraits (Chapitre « Dans la vallée du Tarn »)
Entre la musarde humeur de Modestine et la beauté de ce spectacle, notre progression fut lente, tout cet après-midi. Enfin, observant que le soleil, bien qu' encore loin de son coucher, commençait déjà d'abandonner l'étroite vallée du Tarn, je me mis à songer à un endroit où camper.
(...)
La vallée même semblait plus agréable au matin et bientôt la route descendit au niveau de la rivière. Alors, à un endroit où se groupaient plusieurs châtaigniers droits et florissants qui formaient îlot sur une terrasse, je fis ma toilette dans l'eau du Tarn. Elle était merveilleusement pure, froide à donner le frisson. Les bulles de savon s'évanouissaient comme par enchantement dans le courant rapide, et les roches rondes toutes blanches y offraient un modèle de propreté. Me baigner dans une des rivières de Dieu en plein air, me paraît une sorte de cérémonie intime ou l'acte d'un culte demi païen. Barboter parmi les cuvettes dans une chambre peut sans doute nettoyer le corps, mais l'imagination n'a point de part à pareil lessivage.

paysage du Parc National des Cévennes

Les Cévennes en 1878 : points de repères
- Les paysans y étaient plus nombreux, et la vie dans les petits villages plus présente qu'aujourd'hui. La vie campagnarde n'était que peu touchée par l'exode rural (une des conséquences de la révolution industrielle), qui n'explosera en France qu'à partir du début du XXe siècle.
- La population y était plus pauvre, plus solidaire, plus méfiante vis-à-vis de l'étranger.
- La religion y occupait une place plus importante qu'aujourd'hui. Le narrateur, écossais protestant, sera plus à son aise en pays camisard (pays des huguenots, protestants français) qu'en compagnie des catholiques de la région du Puy. Mais il ressentira, malgré les conflits passés, que les catholiques et les protestants vivent en harmonie.
- Un camisard (du languedocien camiso, chemise) était un calviniste cévenol (protestant des Cévennes) en lutte contre l'administration et les armées de Louis XIV après la révocation (en 1685) de l'édit de Nantes (1598) qui garantissait la liberté religieuse. Dirigée par des chefs populaires, la révolte des camisards dura de 1702 à 1710.

Internet
L'association « Sur le chemin de R.L. Stevenson » se fixe comme objectif de faire découvrir la randonné de Stevenson.