lundi 11 mars 2013

L' Iliade (Homère)

L'Iliade et l'Oldyssée, d' Homère, représentent les fondements de la littérature européenne. L'historien Dominique Venner ne s'y est pas trompé, lui qui fait si souvent référence au célèbre poète dans ses livres et articles. Tout le monde connaît les dieux, les héros et les mythes que l'on trouve dans les deux recueils de chants d' Homère. Pourtant, ces oeuvres ne sont pas tellement abordées dans le cadre scolaire (je parle de l'enseignement secondaire général)... Je n'ai quant à moi jamais eu l'occasion de les étudier. Mes professeurs ont fait d'autres choix. Dommage. Je le regrette aujourd'hui, mais mieux vaut tard que jamais, et je me décide donc à combler cette lacune.
Après m'être procuré l'édition GF de ces deux indispensables livres, je me plonge avidement dans le premier : L'Iliade... Et là : déception ! Page après page, je trouve cela difficile à lire, un peu ennuyeux, et je me perds dans tous les noms de personnages et de peuples, je trouve fastidieux le renvoi aux notes de bas de page. De plus, cette édition présente un texte condensé, peu aéré, des marges réduites... Visuellement pas très agréable.
Je persiste, mais rien n'y fait : le livre me fait l'effet d'un somnifère ! Quelques jours après, j'abandonne... J'abandonne cette édition... Mais je n'abandonne pas l'idée de connaître ces oeuvres. Et je choisis alors des ouvrages commentés. Et là, mon intérêt s'éveille. À mon humble avis, c'est ce qu'il faut pour rendre accessible les oeuvres de Homère au grand public (dont je suis). Ces ouvrages commentés et illustrés sont pléthoriques. Difficile de faire un choix. J'ai trouvé celui de Paul Demont (aux éditions du Chêne) très accessible et agréable à feuilleter, avec une alternance de passages de l'oeuvre (chants), d'explications, et d'illustrations. La présentation des principaux personnages de l'Iliade (héros troyens ; héros achéens) et de L'Odyssée, à la fin du livre s'avère fort utile.
Voici une partie de l'introduction du livre de Paul Demont, qui donne le cadre de l'Iliade et l'Odyssée.


La première de ces épopées, l'Iliade, raconte environ deux mois de la dernière année de la guerre de Troie, cité d'Asie Mineure aussi appelée Ilion (d'où le titre de l'épopée). Pendant dix ans, les Achéens, que le poète nomme aussi Danaens ou Argiens (mais jamais Grecs), affrontent les Troyens et leurs alliés. Mais, comme l'annonce l'invocation initiale, le poète se concentre sur un seul événement, la colère d'Achille et ses conséquences immédiates, et il termine son oeuvre quand celles-ci (la mort de nombreux guerriers, en particulier de son ami Patrocle et de son adversaire Hector) sont épuisées. Il suppose cependant connues la trame générale de l'histoire et son issue, la prise de Troie par les Achéens, que les Anciens dataient de 1218 ou de 1184 avant notre ère.
Voici cette trame générale. Achille est l'un des nombreux héros qui se sont unis, sous les ordres du roi Agamemnon, fils d' Atrée (d'où son appellation d' « Atride »), pour venger l'enlèvement de la belle Hélène par le prince Pâris-Alexandre, fils du roi de Troie, Priam. Ils en avaient fait le serment dès le moment du mariage d'Hélène et de Ménélas, roi de Sparte, le frère d'Agamemnon : si jamais on tentait de rompre cette union, à laquelle ils avaient aspiré, tous partiraient en guerre contre l'agresseur. Or, bien loin de Sparte, sur le mont Ida, en Asie mineure, le prince Pâris avait eu à trancher un concours de beauté entre les trois principales déesses de l'Olympe, Héra, l'épouse de Zeus, le roi des dieux, Athéna, une vierge, fille de Zeus, et Aphrodite, autre fille de Zeus et déesse de l'Amour. Son jugement fut qu'Aphrodite était la plus belle, parce que la déesse lui avait promis l'amour de la plus belle femme mortelle, Hélène. Aussi Pâris n'eut-il aucune peine à enlever Hélène dans son palais de Sparte et à l'emmener jusqu'en Asie Mineure. Nous connaissons tous ces événements par des mythographes et par des adaptations théâtrales ; ils faisaient l'objet d'autres épopées perdues, à l'intérieur de ce qu'on appelle le « cycle troyen ».
L'Iliade proprement dite est avant tout l'épopée d'Achile. Dans l'armée achéenne, Achille, fils d'une déesse puissante, Thétis, et du mortel Pélée (d'où son appellation de « Péléide ») est le héros le plus redoutable et les plus vaillant. Sans lui, les Achéens ne peuvent tenir tête aux offensives troyennes. Or une catastrophe s'abat sur l'armée achéenne, la peste, parce qu'Agamemnon a refusé de rendre sa captive, fille d'un prêtre d'Apollon, contre rançon. Averti par un devin, il consent finalement à relâcher la fille, mais à condition qu'Achille lui remette sa propre captive, la belle Briséis. Achille, devant ce qu'il considère comme un affront insupportable, décide de quitter le combat. Sa mère Thétis obtient de Zeus qu'il venge le Péléide en empêchant les Achéens de remporter la victoire. Le plan de Zeus consiste d'abord à donner de faux espoirs à Agamemnon. Les exploits des héros se succèdent, sans Achille, mais, malgré quelques péripéties, les Troyens s'approchent des fortifications puis des navires achéens, jusqu'à y mettre le feux. Alors, dans un premier mouvement de solidarité, malgré l'offense subie, Achille autorise son ami Patrocle à revêtir ses propres armes à lui, qui, à elles seules, vont susciter la terreur parmi les Troyens. Mais Patrocle outrepasse les consignes qu'Achille lui a données : il est reconnu et tué par Hector, autre fils de Priam, principal défenseur de Troie. Achille, fou de douleur et hanté par la volonté de venger Patrocle, décide alors de reprendre lui-même le combat, avec de nouvelles armes tout exprès fabriquées pour lui par le dieu forgeron, Héphaestos, et cela, bien qu'il sache que, s'il tue Hector, sa mort est proche. Il fait un grand massacre de Troyens, puis affronte et tue Hector, dont il outrage le cadavre. L'Iliade se termine par les funérailles grandioses qu'Achille fait à Patrocle, puis par la remise du corps d'Hector, finalement concédée par Achille, à son vieux père Priam, qui le fait à son tour honorer à Troie.
La suite de l'histoire n'est pas dans l'Iliade : ni la mort d'Achille (tué à la suite d'une blessure au talon par une flèche), ni la ruse du cheval de Troie, inventée par Ulysse, ni la prise et le sac de la ville. Néanmoins, la mort d'Achille est un horizon très souvent évoqué, en particulier par le héros lui-même, et par sa mère Thétis :
Ah ! Misérable et malheureuse mère que je suis,
D'avoir donné le jour à un fils brave et sans reproche,
Le plus grand des héros ! Il a grandit tel un scion ;
Je l'ai nourri, comme une vigne aux pentes d'un coteau,
Puis je l'ai envoyé, avec ses fines nefs, se battre
Contre les hommes d'Ilion. Il n'en reviendra pas.
[Chant XVIII,v. 54-59]
Ce « scion », ce jeune rameau, sera coupé en pleine force, Thétis le sait, Achille le sait aussi. Et quand le prologue de l'Iliade annonce, comme conséquence de la colère d'Achille, les maux des Achéens et la mort de tant d'âmes valeureuses / De héros, chacun sait que ce triomphe de la mort implique la mort du divin Achille lui-même. Le souci de l'honneur suppose d'accepter, malgré tout, cette mort qui fait horreur. Car si la mort n'est pas l'anéantissement, les âmes des morts ne mènent aux Enfers qu'une sorte de demi-vie sans plaisir. De plus, la mort au combat et les outrages au cadavre conduisent souvent à la défiguration, et il arrive que les corps servent de pâture aux chien / Et aux oiseaux sans nombre. En revanche, quand de magnifiques funérailles apportent, selon l'expression consacrée encore de nos jours, un dernier hommage au mort, et que s'ajoute, éternellement, la gloire d'être chanté dans les épopées, la mort devient presque belle. Et c'est pourquoi l'attente de la mort, le choix de la mort, le récit de la mort peuvent charmer les auditeurs de l'Iliade. 

Hélène sur les remparts de Troie, Gustave Moreau (1826-1898). Avec son esthétisme proche du symbolisme, le peintre suggère le mystère terrible de la beauté d'Hélène.