mardi 12 mars 2013

L'Odyssée (Homère)

L'Odyssée se situe après la chute de Troie, et est elle aussi consacrée principalement à un héros, Ulysse (en grec Odysseus), qui est nommé dès le prologue. La lecture des deux prologues le montre immédiatement : son orientation est si différente de celle de l'Iliade qu'on a pu penser qu'elle en prenait volontairement le contrepied. L'horizon de l'Iliade, c'est la mort. L'horizon de l'Odyssée, c'est la vie et même, d'abord, la survie. Achille choisit de se battre et de mourir par souci de sa gloire ; Ulysse, après avoir pris Troie par la ruse, utilise toute son inventivité pour échapper à la mort dans tous les lieux extraordinaires qu'il parcourt, de Troie à Ithaque. La mort de tous ses compagnons, dont le poète le déclare d'emblée non responsable, met en valeur son succès à lui, et leur fureur (ou « folie »), sa sagesse.

Une première partie du poème, appelée souvent la « Télémachie », n'évoque cependant Ulysse que de façon indirecte. Elle décrit les voyages du fils d'Ulysse, Télémaque, pour retrouver son père. Dans sa patrie, l'île d' Ithaque, sa mère Pénélope et lui-même sont terriblement menacés par le groupe des prétendants : ces hobereaux festoient sans relâche dans le palais d'Ulysse, dont ils pillent effrontément les richesses, tout en aspirant à la main de Pénélope et au trône d'Ulysse. Sur les conseils de la déesse Athéna, Télémaque décide de quitter Ithaque. Il rejoint à Pylos le vieux Nestor, puis est reçu à Sparte chez Ménélas et Hélène, revenus à Sparte depuis bien longtemps, eux. Ces héros de la guerre de Troie évoquent leurs propres aventures, et notamment la prise de Troie, ainsi que le rôle qu'Ulysse y a joué, et le retour difficile des Achéens, un retour tragique, même, dans le cas d'Agamemnon, assassiné à Argos par sa femme Clytemnestre et l'amant de celle-ci. L'histoire d'Agamemnon et de Clytemnestre fournit comme un arrière-plan et une préparation au retour d'Ulysse lui-même, que Pénélope, elle, attend sans se lasser.
Le retour d'Ulysse fait l'objet de la seconde partie de l'épopée. Une première étape suit Ulysse de l'île de Calypso jusqu'en Phéacie. Le héros est prisonnier depuis sept ans de la nymphe Calypso, qui voudrait le garder éternellement dans sa grotte merveilleuse, et le retient chaque nuit dans son lit,
Mais Ulysse le généreux n'était pas dans la grotte,
il pleurait sur le promontoire où il passait les jours,
le coeur brisé de larmes, de soupirs et de tristesse.
[chant V, v. 81-83]
Zeus, à la demande de sa fille Athéna, qui est la protectrice attitrée d'Ulysse, donne à Calypso l'ordre de le libérer, ce qui permet à Ulysse, sur un radeau qu'il a construit lui-même, de rejoindre l'île des Phéaciens, malgré une effroyable tempête envoyée par le dieu de la Mer, Poséidon. Il y est accueilli par la fille du roi Alcinoos, Nausicaa, qui aimerait elle aussi en faire son époux. C'est là qu'il fait à Alcinoos le récit de ses aventures antérieures, depuis la prise de Troie jusqu'à son arrivée chez Calypso. Il a successivement affronté, raconte-t-il, les Cicones, les Lotophages, les Cyclopes, de dieu Eole, les Lestrygons, Circé, les Sirènes, Charybde et Scylla, perdant au fur et à mesure ses compagnons, avant que les derniers d'entre eux ne périssent par leur propre faute pour avoir touché aux troupeaux du dieu d' En Haut / le Soleil qui leur prit le bonheur du retour. Il est même descendu jusqu'aux Enfers interroger les morts. Après ces fameux « Récits chez Alcinoos », les Phéaciens acceptent de le reconduire jusqu'à Ithaque. La troisième partie de l'épopée occupe en fait toute la seconde moitié de l'oeuvre, et raconte la reconquête du pouvoir à Ithaque par Ulysse et Télémaque. Ils se retrouvent d'abord chez leur plus fidèle serviteur, Eumée le porcher, à l'écart de la ville. Ulysse dissimule son identité, sauf à son fils, et il se déguise en mendiant pour entrer dans son palais incognito. Seul son vieux chien, dont personne ne s'occupe, le reconnaît, avant de mourir. Ulysse déguisé subit les avanies des Prétendants et doit même se battre à coups de poing avec un véritable mendiant, avant d'obtenir le droit de participer à l'épreuve de tir à l'arc qui doit désigner, parmi les prétendants, le futur époux de Pénélope. C'est le moment où il révèle son identité et réalise sa vengeance. Le combat s'engage : Ulysse et Télémaque triomphent avec l'aide d'Athéna, ils massacrent les prétendants et châtient mauvais serviteurs et servantes infidèles. Pénélope apprend alors l'identité d'Ulysse, mais lui fait subir une dernière épreuve avant de retrouver avec lui leur lit conjugal. Enfin, Ulysse rejoint son vieux père Laërte ; puis Zeus et Athéna imposent aux habitants d'Ithaque une réconciliation qui met un terme, peut-être définitif, aux épreuves du héros.

Paul Demont



Palla Athéna, de Franz von Stuck (1863-1928). La sage et bienveillante déesse, dans l'Olympe auprès de Zeus, puis à Ithaque auprès de Télémaque, commande l'intrigue de la première partie de l'Odyssée.



Pallas Athéna, de Gustave Klimt (1862-1918). Athéna aidera Ulysse et Télémaque tout au long du combat, en annulant les tirs adverses et en déployant au plafond l' égide meurtrière, cette peau de chèvre parée pour former une cuirasse et ornée d'une tête de Gorgone suscitant la terreur, que Klimt peint ici d'une façon très suggestive.